ZADIG & ELEA


Coincé. C’est le sentiment que j’ai eu, que j’ai encore. Coincé au propre comme au figuré. Coincé dans ma tête, coincé dans mon corps, coincé ici aussi. J’ai voulu bien faire, et finalement j’ai rien fait du tout à part un esclandre. Je m’en fous du fric, je m’en fous de la reconnaissance, j’ai pas besoin de nombre X de votes pour savoir ce que je suis, ce que je vaux. Par contre, d’autres en ont bien plus besoin que moi, de cet argent, de cette reconnaissance, de cette médiatisation aussi. Prenez Marcus, par exemple ! C’est un artiste de folie, certes ses toiles sont en peaux et ses estampes à l’encre, mais vous avez déjà vu un de ses tatouages ? Ce mec mérite d’être mit sur le devant de la scène, il a vraiment besoin de ces deux semaines supplémentaires, et pourquoi pas du petit bonus de fin ? Et Gaïa ! Gaïa c’est sur le plan affectif qu’elle a besoin de ce temps supplémentaire, parce que tant qu’elle est ici, elle est entourée, et surtout pas avec lui, ou pire : seule, absolument seule, et loin de nous. Pareil, le petit bonus de fin ne serait pas de trop pour elle. N’importe qui plus que moi, quoi. Même Lee. Si seulement il m’avait prévenu qu’il voulait partir ! Si seulement j’avais pu le lire dans son regard, ou dans sa tête... J’ai rien vu, j’ai pas compris, j’ai pas su. Tout ce que j’ai vu c’est la Production m’interdisant d’user de mon droit le plus précieux : ma liberté. J’avais voulu faire les choses bien, céder ma place seulement maintenant, lors de ces pré-demi-finales afin de m’assurer de pouvoir rester sur l’échiquier auprès des miens. Céder mon titre mais pas ma place de soutient. Sauf qu’en m’interdisant de sortir, et bien... Ils m’ont contraint à tout lâcher. Je voulais abandonner personne, mais on ne m’interdit jamais rien, c’est la règle. La seule. J’ai respecté les leurs pendant deux mois, ils se devaient de respecter celle-ci, au risque que je reprenne ma liberté sans l’accord de personne. C’est comme ça que je me suis retrouvé à plier bagage malgré Zadig et Eléa. Pour une fois qu’ils arrivaient à se mettre d’accord, ces deux là.C’est comme ça aussi que je me suis retrouvé à chercher une sortie dont on n’a pas la moindre idée de la localisation. Comme ça que je me suis retrouvé au confess à me faire expliquer le départ de Lee et mon obligation de rester, du coup, pour le bon déroulement du jeu. J’suis passé pour un con. Parce que j’ai pété un câble et que finalement je suis encore là. Les gens y verront un show auquel je me serais adonné, alors que pas du tout. Et ça, seules deux personnes le savent, les deux personnes qui me coincent, actuellement, de peur que je change d’avis et me casse à nouveau. Je ne le ferais pas, pas même par fierté, parce que de la fierté j’en ai pas lorsqu’il s’agit de la volonté des gens que j’aime, même si ça va contre la mienne. J’ai voulu partir parce que je pensais faire le bien. Je vais rester parce qu’on m’a dit que c’était ça, le bien. Alors, sur le dos, les yeux rivés au plafond, toute lumière éteinte hormis celle de la lune bien pleine, par les grandes fenêtres, j’ai Eléa roulée en boule contre mon flanc, prenant le moins de place qu’il est humainement possible de prendre, son dos réchauffant mes côtes, ses pieds encadrant un bout jambe masculine; et de l’autre, j’ai Zadig, façon mère juive, agrippant ma tête pour la loger contre son cou, un bras sous ma nuque, l’autre sur ma gorge, ses deux grandes mains sur toute la partie gauche de mon visage, tandis que le reste de son corps colonise l’intégralité de la partie droite du mien. Techniquement, là, oui, j’suis un ours en peluche censé le rassurer. Lui, il dort, je l’entends à sa respiration forte. Pour combien de temps, j’en sais rien ? Je le soupçonne de s’éveiller tous les quarts d’heure pour vérifier que je suis toujours là. Mais Eléa... Eléa, je crois pas. C’est pour ça que je tends ma main gauche en sa direction, caressant la première chose à proximité : ses cheveux. « Pourquoi tu dors pas ? » je chuchote. Parce que, oui, je sais qu’elle ne dort pas. Mais pourquoi ?


Dernière édition par D. Amédée le Mar 25 Juin - 0:28, édité 1 fois

Je crois que je n’ai jamais autant essayé de retenir une personne. Qui plus est en union avec Zadig, mon meilleur ami de l’aventure, tout le monde le sait. Mais pour une fois, on a trouvé un terrain d’entente, il me semble. Je crois aussi que je ne me suis jamais autant accroché à une main que celle d’Amédée, je me faisais lourde aussi, comme Zadig. Il était obligé de nous traîner pour avancer puisqu’il n’avait pas la chance de nous lâcher. Il n’a pas le droit, il ne peut pas ! Il tente tout de même de boucler sa valise avec ses deux boulets, on argumente, on supplie aussi, de ne pas nous abandonner, on lui dit qu’il peut tout de même rester sans être demi-finaliste parce qu’au fond, on s’en fout de ça. Mais non, pas après ce que le GM a dit. Putain il est tellement têtu sérieux ! Deuxième épreuve pour lui, trouver la sortie, du coup, je reste aussi en espérant secrètement qu’il ne trouve que dalle. D’ailleurs on ne noie sur les informations avec son frère, on lui indique des idées improbables de portes de sortie pour déstabiliser, qui sait, un moment de faiblesse et il pourrait rester non ? Je ne sais pas, j’ai encore de l’espoir. Finalement il se rend au confess pour j’imagine demander la direction de la sortie, nous, toujours sur ses pas, enfin toujours Zadig sur lui, carrément même, on prend en chemin. Je m’arrête à la porte du confess, parce qu’à partir de cette limite, c’est censé être privé non ? Apparemment Zadig s’en branle, il continue, en même temps, même chair, même sang, ça revient au même donc c’est bon pour lui. Moi ? Bah je prends mon mal en patience et j’attends tout simplement, il n’y a rien de mieux à faire que d’attendre. Pourquoi j’ai l’impression que ce moment dure trois heures, non sérieusement, c’est long ! Ils finissent par en ressortir, tout ce que je saisis, c’est qu’il ne part plus. Pourquoi ? Pas vraiment le temps d’expliquer la chose en détail et surtout pas à cette heure-là du matin, on verra demain. En attendant je reste, d’ailleurs je trouve cela étrange que Zadig ne conteste pas la chose, que je squatte leur lit pour la nuit. Mais au fond, ça fait une personne ne plus pour s’assurer qu’il reste bien. Il faut juste passer la nuit. On se répartit équitablement son corps, j’hérite du côté gauche. Mon dos contre lui, je me recroqueville sur moi-même tant l’impression d’être de trop avec eux deux est présente. Mais je n’arrive pas à dormir, je me contente de me caler sur leurs respirations, enfin surtout sur celle de Zadig lorsqu’une main atterrit sur mes cheveux. Pourquoi je ne sombre pas. « Je veille. » Je lui dis simplement. Je m’assure que l’idée de te casser ne te caressera plus encore l’esprit. « ... pour que tu sois encore là au petit matin. » Je complète en me retournant doucement tout en veillant à ne pas coloniser plus que la partie gauche de son corps et ni la tête, propriété de Zadig.

J’ai été étonné par la réaction d’Eléa. Celle de Zadig, non, c’est mon frère et qui plus est, le fils de ma mère... Ouai, je me comprends. Mais Eléa ? Pendant que l’autre braillait qu’il ne pouvait pas vivre sans moi, c’était quoi son excuse à elle ? C’est pas comme si elle savait pas faire en mon absence, pas comme si elle n’avait que moi ici. Zadig, il a que moi. Il est tellement imbuvable avec tout le monde, que je suis probablement le seul à pouvoir le supporter, et pire encore : en redemander. Non, y a peut-être Ringo aussi... Oh, et Gaïa ! Gaïa trouve Zadig divin, ce qui prouve bien qu’elle a un sérieux problème en matière d’hommes. Ou plutôt de choix d’homme. Bref. Eléa elle a Marcus, Eléa elle a même Mariposa, si, si. Elle a moi, aussi, mais moi c’est secondaire, enfin du moins ici. C’est pas parce que je sors que je l’abandonne, c’est comme Zadig, évidemment que je vais le retrouver à la sortie. De ce fait, oui, sa réaction m’a étonné. Peut-être même m’aurait-elle inquiété si elle ne m’avait pas, finalement, flatté. J’aime bien l’idée qu’elle ne supporte pas de me voir partir au point de tout faire pour me retenir. Oui, j’suis un capricieux, c’est indiqué dans ma particule.Et maintenant elle est là, squattant le pieu et mon corps. Et ça aussi c’est épatant. Enfin pas qu’elle nourrisse l’envie d’être là, mais que Zadig laisse faire. J’irais pas jusqu’à dire qu’ils ont enterré la hache de guerre, mais finalement ce faux-départ n’aura peut-être pas été totalement inutile. Est-ce que ça valait le coup pour autant ? Non, pas le moins du monde, et si je pouvais effacer cette soirée des esprits, je le ferais. Mais je ne peux pas. Alors je me contente de supporter d’être coincé en silence, parce que je suis pas en position de faire le difficile. Sauf que ça fait chier, un peu, de pas pouvoir bouger la tête, et je suis obligé de tendre la main pour qu’elle comprenne que c’est à elle que je m’adresse. Je baisse les yeux, mais je ne discerne pas grand chose. Une épaule, une masse de cheveux. Insuffisant. Elle veille. C’est son excuse pour ne pas dormir. Elle se retourne, mais ne remonte pas, pas plus qu’elle n’empiète sur moi. Elle veut s’assurer que je serais toujours là au petit matin. « Parce que j’ai une autre option ? » je demande, en désignant de mon bras libre, mon parasite de frère, l’empire colonisant mon corps et me clouant au matelas. « J’vais pas partir... » j’ajoute, en attrapant le haut de son bras pour la forcer à remonter un peu, juste assez pour que je puisse la voir en tournant des yeux dans les orbites. J’ai l’air con ? Oui, bah c’est une habitude ce soir. « ... Lee l’a déjà fait. Il voulait le faire depuis le début, c’était prévu avec la Prod, et comme un con, j’ai bousillé leur plan en voulant faire preuve d’un peu trop de bonté. Je trouvais simplement injuste que Marcus et Hinarani ne soient pas en demi-finale. J’avais l’impression d’être un usurpateur, de ne pas mériter cette place. Tu comprends ? » C’est important qu’elle comprenne, parce que les autres ne comprendront pas, Zadig comprendra pas non plus. J’ai besoin qu’au moins une personne comprenne que j’ai voulu faire quelque chose de bien, pour une fois... Et que j’ai foiré.

Je reste éveillée parce que tout d’abord je ne parviens pas à trouver le sommeil justement à cause de sa sortie ratée, ça me stresse, ça m’angoisse. Je tente de feindre tout de même, pas assez bien puisqu’Amédée se rend compte que je ne suis pas dans les bras de Morphée. Je guette un moment son frère, bien ancré, non c’est sûr qu’une fuite sera bien impossible avec un boulet pareil. Il m’attrape par le bras et je suis donc obligée de suivre le mouvement. « On ne sait jamais. » Je me contente de répondre, après tout, pendant le prime, je ne pensais jamais que l’idée de partir lui avait effleuré et pourtant on s'est trompé. Alors je pourrais très bien me demander, et ça serait légitime, pourquoi juste une fois et pas deux ? On ne peut jamais vraiment savoir, même s’il m’affirme qu’il ne partira pas. Euh ... « Promis ? » Je finis par demander  alors en pinçant légèrement les lèvres, je veux une promesse qu’il puisse tenir sur cette semaine au moins, après de toute façon on va tous partir donc c’est bon. Puis il m’explique pour Lee, mais je n’étais pas au courant, ou alors il a tenté de me l’expliquer à la sortie du confessionnal mais je n’étais pas trop attentive je dois l’avouer. Je me contente d’hocher la tête, sans rien dire, parce que je comprends qu’il ne se sent pas méritant ou je-ne-sais-quoi, je peux comprendre mais ... Je n’ai pas le temps de répondre que Grincheux nous fait comprendre qu’on parle trop.   Zadig qui s’éveille, enfin partiellement, tiens, je l’avais presque oublié. Il demande à son frère de la fermer, ce n’est pas grave, je ferai les questions-réponses alors ! Ah ... non, je ne peux pas puisque j’ai le droit aussi à un ta gueule déguisé, qu’on se le dise. Je suis encore suffisamment surélevée pour apercevoir qu’il bâillonne son frère, tranquille. J’arque un sourcil. Sérieusement, il a fini de s’étaler comme ça ou il compte aussi coloniser l’autre partie du lit, s’il veut que je finisse par terre autant le dire tout de suite. Je pousse un long soupir pour la forme, quand même. « Ouai, c’est bon. » Je lance en grognant lorsqu’il s’adresse à moi, c’est toujours s’il ne sort pas un « l’autre » je vous jure. Ma tête glisse sur le torse d’Amédée et mes cheveux s’y éparpillent, la paume de ma main s’en va se poser sur son ventre pour se soulever et s’abaisser en même temps que sa respiration. Inspiration, expiration, inspiration et expiration. Je compte sur ce rythme pour me bercer. Et au bout de quelques minutes c’est un : «  Non mais je n’arrive pas à dormir, moi. » d’une voix presque plaintive qui brise le silence, il est mignon Zadig, le silence, ouai, ouai, et si on est insomniaque, on fait comment ? On attend simplement et on se contente de l’entendre ronfler ?

J’ai pas besoin de lui promettre, elle sait déjà. Il n’y a plus aucun risque que je parte puisque partir n’a plus aucun sens. Qui plus est, il ne s’agissait pas d’une fuite, ni d’un besoin irrépressible, seulement d’un désir de justice. Une justice qui n’a plus lieu d’être, comme ce départ. Donc non, je n’ai pas besoin de lui promettre, il me suffit de lui expliquer, et à mon sens, ça vaut bien plus qu’une simple parole donnée. Ça peut être trompeur, voir pas vraiment ou complètement rassurant. En lui expliquant, j’anéantis définitivement l’hypothèse et par extension la crainte d’une nouvelle tentative de fuite. En expliquant, je comprends et fais comprendre mes erreurs, pour ne plus les reproduire. C’est mieux, non ? Et c’est moi qui ai besoin d’être rassuré maintenant, quant au fait qu’elle me comprend. Je crois, d’ailleurs, qu’elle s’apprête à le faire, ou tout du moins à parler, lorsque... Le levé d’une étoile. Y a petit ours brun qui a décidé d’être bougon, et, au passage, de me ravager la gueule de sa main, jusqu’à ce que sa paume atteigne ma bouche. Pas de problème, j’suis un apnéiste de grand talent. Sur ordre de sa majesté, je dois me taire et... Elle, là-bas, aussi. Sachant que ‘là-bas’ ne désigne qu’à quelques centimètres de lui, de l’autre côté de mon corps. Je suis prêt à répliquer, à coup de mugissements plaintifs lorsqu’Eléa se résigne. Bon, peut-être a-t-elle envie de dormir également. Moi non, mais je ne vais pas exiger qu’ils me tiennent compagnie dans mon éveil forcé. Par contre, j’aimerais autant pouvoir respirer, du coup, ça pourrait être utile. De ce fait, je bisouille la paume parasite, façon chieur. Bisou sur bisou, sur bisou, sur bisou. Ça t’agace, hein ? Pas suffisamment, alors je lèchouille. C’est dégueulasse, hein ? J’suis sûr qu’il peut lire mon sourire sadique dans mon regard. Ha, et puis y a Eléa qui n’a pas envie de dormir, tu vois ? Enfin, elle y arrive pas, y a peut être une légère nuance, mais j’ai décidé de ne pas la noter. Dégage ta main, enfin ! Non ? Toujours pas ? Bon, tant pis, j’ai toujours une main de libre. Et qui dit main, dit doigt. Et hop, un index dans la narine de mon frère. Je sais, c’est super mature et digne comme tactique de baston, mais c’est la seule façon dont on sait se battre... Enfin non, y a le fleuret, aussi, mais sérieusement, sortir l’arme, la tenue, tout ça... Non, pas à c’t’heure-là. Je pourrais lui tirer les cheveux, aussi, arme de dissuasion massive, mais je connais déjà la fin, il attraperait ma tignasse également, et ce serait l’équilibre de la terreur, équitablement armé nous nous retrouverions contraint à un immobilisme forcé, jusqu’à ce qi’on se retire, ensemble, à trois. C’est pas un spectacle pour une dame. Tandis qu’un doigt dans le nez...